par ce monde, grâce à la folie d’une intuition. Rejoindre les champs
d’expérimentations donnés en ce même monde, en aspecter le suspens,
tournoyer et se perdre dans les ratures et les ratages, recommencer,
ça doit toujours aller vite… jusqu’à la conversion du sens, laisser reposer
couleurs, outils et mots, puis veiller.
Peut-être s’agit-il toujours d’entre-espaces, les seuls où nous puissions
demeurer (un temps) dans des failles, des brèches qui offriraient
de nouvelles clairières, des manières de s’absenter de l’effroi.
Le passé est passé par là : reviennent des bribes, du terrible,
du merveilleux, des fulgurances et le surgissement d’associations,
des constructions d’images passées par le tamis de la biographie,
par elle défrichées ; de l’inconnu s’y faufile, le temps est aboli,
c’est en-dehors de nous, ne nous appartient pas.
Supports et outillages divers, formats petits, cahiers et bouts de bois,
bois ramassés écorcés, objets d’artisans oubliés, espaces jardinés,
photographiés : voici l’épars et l’éparpillement associés pour formuler
le chant d’un monde présent avec les échos de mémoires anciennes.
Recueillir ces échos avec trois pinceaux et quelques craies ou autres
moyens du bord, pour en épouser le surgissement, saisir une part
de ce mouvement émergé grâce aux mots/vêtures d’écrivains, de poètes,
constellations aussi précieuses que des viatiques.
Les ateliers/tables résonnent, chambres d’écho à ce qui ne peut pas
se tenir ailleurs et autrement.
En contrepoint des bris, des textes qui tracent le chemin du temps
(révolu, perdu, aboli, dilaté…, selon la vision singulière de chacun),
en égrènent de légers repères par le jeu des combinaisons formelles,
des coïncidences et des égarements pour scander goutte à goutte,
de petites salutations destinées à l’ineffable.
À la recherche de ce feuilleté brisé au fond d’archives lourdes à trier,
je finis par libérer quelques fils à partir de décennies de pratiques
d’écriture, de bouts de peintures, dessins, collages, montages,
assemblages aléatoires saisis dans l’intempestif, bris/collés,
dans des cahiers comme journaux/baromètres du quotidien.
Au final, une compilation de notes, de photographies, des strates
de temps déposées sur de petits formats, un feuilletage donc,
à la recherche de la proximité d’autres regards, en un face à face intime
mais dans l’ouvert qui déborderait vers de nouvelles contrées.
Depuis toujours habitée par la vision/tension des déchirures croissantes
entre la beauté qui nous entoure et le combat éperdu de l’homme
en sa détermination à tout vouloir dominer, araser, arracher, fracasser…
Advient le vertige des forêts secouées par la détresse : exténuées,
suffocantes, fragilisées. L’avidité aveuglée stérilise tout mais les terres
et les océans empoisonnés nous (sup)portent encore.
Alors, comment voir dans l’obscur ?
En quels mondes allons-nous encore pérégriner, vibrants, funambules
sur une crête partagée entre nombre d’interrogations, planter notre tente,
veiller jusqu’à l’arrivée d’autres chorégraphies spacieuses.
Rester aux aguets du peu.